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Interview croisée d'Alexis Golinski (ES Veauche) et Yohan Dépalle (L'Etrat la Tour Sportif)


Les deux hommes sont âgés de 36 ans et sont marqués par une différence physique mais une passion commune le Football dans un monde "Classique".


Alexis GOLINSKI en bref : "Alexis Golinski est âgé de 36 ans et chef d'entreprise dans le secteur immobilierParaplégique depuis 2011 suite à un accident de moto, il a donc perdu l'usage des jambes et des abdominaux. Passionné et toujours adepte du sport, il pratique dès que possible l'handiski et s'entraine en handbike (vélo couché à bras) quotidiennement. Coté football, Alexis a évolué dans trois clubs - FC MONTRAMBERT en jeunes puis l'ES VEAUCHE et le GS DERVAUX. Maintenant Alexis assouvit sa passion en étant éducateur depuis de nombreuses saisons. Cette année il a sous sa responsabilité le groupe U16 et U18, et dirige tous les week-ends les U16 Ligue à l'ES Veauche."
 

Yohan DEPALLE en bref : "Yohan Dépalle est également âgé de 36 ans papa d'une petite fille de 10 ans. Yohan est chef d'entreprise dans le Web (Yo Web). Niveau physique Yohan est achondroplase atteint de nanisme depuis sa naissance et mesure 1m34. Niveau football Yohan fait du football une religion et l’a pratiqué pendant 20 ans au club de Saint-Héand pour devenir ensuite éducateur pendant quelques saisons puis maintenant Community manager dans différents clubs sportifs dont L'Etrat la Tour Sportif.
 

 

Bonjour Messieurs. On va commencer par une question d'actualité. Comment se passe cette période de confinement ?

Alexis Golinski : "Je pense qu’elle se passe comme tous mes amis "footeux", on suit l’actualité pour voir l’évolution de cette pandémie et avec du recul on se dit que notre passion doit être secondaire voire même plus loin en terme de priorité. On parle de mort, de dévouement, de récession, donc je pense qu’il faut relativiser sur notre passion et axer nos comportements vers la santé, l’éducation, l’économie. Je suis   gérant de société dans le domaine de l’immobilier et nous vivons la crise de plein fouet. L’arrêt est complet du fait de ne pouvoir rencontrer des clients ou des investisseurs, ou de pouvoir effectuer les visites de biens immobiliers. Pour parler un peu foot, nous essayons avec mon staff de stimuler continuellement nos joueurs malgré l’éloignement car le lien est primordial. J’étudie aussi le fait de poursuivre le passage de diplôme. Sinon les journées sont remplies par du vélo sur home-trainer et petites sorties, la cuisine mon métier de formation et un peu de musique..."

Yohan Dépalle : "Cette période de confinement est une véritable crise économique pour ma profession mon activité est en forte baisse. Il ne faudra pas trop que cela dure. Sur le plan personnel j’en profite pour faire des choses que je n’ai jamais faites. Je prends soin de moi et de mes proches. J’ai attaqué un régime depuis 45 jours afin d’éviter une lourde intervention chirurgicale à cause de mon nanisme. Je me sens donc de mieux en mieux. Au niveau football nous savons que la saison n’ira pas à son terme et qu’il y aura forcément des heureux et des mécontents. J’espère juste que la FFF aura bien pris tous les facteurs en compte avant d’annoncer leur décision."


Pouvez-vous nous parler de votre parcours dans notre sport favori le Football ?

AG : "Je suis né dans une famille de footeux avec un grand-père président du FCO Montrambert Ricamarie dans les années 1980, donc dans la famille c’était ballon rond à toutes les sauces! Ricamandois d’origine, j’ai évolué au FCOMR jusqu’à l’adolescence puis j’ai rejoint mon frère à l’ES VEAUCHE (qui évoluait en séniors) pour y jouer ma dernière année jeune. Après une dizaine d'années passées sur la pelouse d’Irénnée Laurent, j’ai voulu revenir prendre du plaisir auprès des amis d’enfance qui évoluaient au GS DERVAUX, club voisin de La Ricamarie. Club populaire où j’ai rencontré des gens passionnants humainement et sportivement. En avril  2011, pendant ma saison sénior j’ai eu cet accident et ma carrière de footballeur s’arrête. Le football devient alors le plaisir de voir jouer les copains, puis de venir leur donner un coup de main lors des séances d’entraînement. La passion prend une autre forme et l’envie d’accompagner, diriger, former prend de l’ampleur. Une belle épopée au GS DERVAUX fait que je passe mes diplômes jusqu’au BMF mais c’est plutôt les moments vécus que je retiens. Une montée de D1 en R2, une demi-finale de coupe de la Loire, une montée de la réserve en D2…tout cela m’amène au bout de 5 ans à vouloir découvrir le niveau ligue jeunes et c’est à ce moment-là que le président Massacrier m’offre l’opportunité de diriger les U17 ligue de l’ES VEAUCHE, club que je retrouve et dans lequel je suis depuis 2 ans avec des caractéristiques semblables au club que je quittais « familial - humain - passionné."

YD : "J’ai débuté le football à 6 ans dans le club de mon village à Saint-Héand, au départ mon papa ne voulait pas que je pratique ce sport de peur par rapport à mon handicap. Par chance j’ai croisé la route d’un joueur atteint du même handicap sur les terrains et du coup mon père était rassuré. J’ai joué au football de 6 ans jusqu’à 19 ans. Physiquement cela devenait trop compliqué pour poursuivre ma carrière au regard de ma taille par rapport à l’adversité. 

A l’âge de 15 ans je dirigeais les débutants à Saint-Héand et j’ai donc entrainé plusieurs équipes pendant une dizaine de saisons (des débutants aux séniors). Un peu lassé par la mentalité et peut-être que mon caractère fort n’était pas fait pour ce poste ðŸ˜Š. J’ai pris du recul et j’ai préféré mettre les footballeurs en lumière donc j’ai créé mon premier site Web en 2001 avec mon club de Saint-Héand. J’ai eu la chance de travailler en parallèle avec un immense dirigeant Claude Portal qui depuis son décès me manque beaucoup. En 2014 j’ai rejoint l’ASF Andrézieux-Bouthéon pour devenir Community Manager/Webmaster pendant 4 saisons puis j’ai pris du recul pour une saison. Je suis actuellement à L’Etrat la Tour Sportif depuis 3 saisons. Je gère la Communication Web et marketing du club. 

Au sein de ma société Yo Web, je suis Community Manager d’Andrézieux-Bouthéon FC (football) et des Enfants du Forez de Feurs (Basket). On va dire que je mange du sport quotidiennement."


Pour vous a-t-il été difficile de trouver un club qui vous a accepté avec votre handicap ?

AG : "Je n’ai jamais rencontré de problèmes à ce sujet car cela s’est fait naturellement. Je n’ai jamais eu la volonté de forcer quoi que ce soit. Je dirais que c’est plus particulièrement la perception des gens avec qui j’effectuais ma passion qui m’a donné envie d’en faire plus. Par exemple, j’ai souvenir d’un jour où le président Mondon au GS DERVAUX avait fait intervenir les services techniques de la commune pour effectuer quelques aménagements au stade pour me faciliter l’accès aux terrains. Une chose qu’on pourrait trouver banale mais qui transmet un message important et donne l’envie de donner en retour. Je pense que la chose primordiale est le partage et l’environnement. J’ai toujours évolué avec des partenaires humains et passionnés et cela permet un épanouissement collectif sans prise en compte d’un handicap quel qu'il soit. Du coté joueur, je n’ai jamais eu le sentiment de rencontrer des difficultés, peut-être un temps d’adaptation comme dans toute relation entre deux individus."

YD : "On va dire que j’ai eu la chance d’être dans le club de mon village et que toutes les personnes ont été bienveillantes avec moi. Je n’étais pas dans un club avec esprit de compétition donc j’étais accepté comme je suis. Aujourd’hui je pense que cela aurait été compliqué qu’un club m’accepte au regard des exigences et l’esprit de compétition. En tant qu’éducateur je me suis toujours fait respecter que ce soit avec les petits comme les séniors. Les adversaires m’ont parfois manqué de respect et c’est humain on ramène tout de suite au physique. Le problème c’est que j’ai un fort caractère donc c’était compliqué. Au niveau de mes missions de communicant, je pense qu’il faut prouver plus que les autres. Mais une fois qu’on a le savoir et que les résultats sont là, c’est toujours plus facile. Le petit bémol est parfois le rapport humain, on se permettra plus facilement de me dire des choses à moi qu’à des personnes « classiques ». C’est le rapport de forces."


Quelles difficultés pouvez-vous rencontrer sur les diverses installations sportives et sur les relations humaines au niveau de l’intégrité ?

AG : "Au niveau technique, je pense qu’il ne faut pas oublier que nous vivons dans un pays développé et que ma situation serait bien plus difficile dans des pays en voie de développement comme j’ai pu le voir à travers quelques voyages à l’étranger. C’est parfois la maladie du Français de se plaindre sans cesse ! Pour en revenir au foot, c’est parfois l’incompréhension des instances sportives à mon égard qui m’a fait rencontrer des problèmes sur des terrains pas très bien aménagés en matière d’espace. J’ai beaucoup de souvenirs où les délégués ne savaient pas si j’avais le droit d’être sur le banc ou pas…! Les relations humaines sont quant à elles toujours bonnes, sans aucun manque de respect. J’avoue être parfois un peu « sanguin » sur un banc de touche et cela crée des tensions que je prends pour mon compte. Au niveau de ma présence au sein d’un club, je reconnais que j’ai toujours été jugé pour ce que j’apportais sans aucune réflexion sur mon handicap. J’en reviens à ce que j’ai dit plus haut l’environnement humain est la chose la plus importante. Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin."

YD : "Ma maladie est génétique et constitue une forme de nanisme et touche principalement les membres inférieurs et supérieurs. Les conséquences médicales sont souvent gênantes au quotidien avec des douleurs dorsales, lombaires et cervicales. Je ne peux pas marcher longtemps. Donc il est parfois compliqué d'aller dans les stades pour prendre les photos faire mon job. J’ai subi déjà beaucoup d’opérations des membres inférieurs. Mon plus grand combat reste l’acceptation et la prise au sérieux de ce handicap. Nous ne sommes pas simplement petits. C’est un handicap social important. Le nanisme est méconnu (seulement 8000 cas en France) mais ne s’arrête pas à un personnage de fiction « Mimi Mathy ou Passe Partout ».  Autour des terrains j’ai connu des situations de moquerie. Il faut savoir que le terme « nain » est considéré comme discriminant et c’est un terme réducteur et péjoratif car il cantonne l’individu à sa condition et non à ses compétences. Après j'ai une chance, c'est de vivre et cela n'est pas donné à tous malheureusement."


Dernière question ! Yohan pouvez-vous décrire Alexis et vous Alexis pouvez-vous décrire Yohan ? Il y a des choses que vous vous enviez mutuellement ?

AG : "Yo, je t’envie car contrairement à moi tu peux encore voir le monde de plus haut…en montant les escaliers ;-) blague à part, je trouve que ce que tu fais est top et qu’on n'a pas besoin de très longtemps pour voir que tu es compétent dans ton domaine. 

Tu arrives à donner une autre vision du foot amateur et de ce que peux apporter une association sportive. Nos différences ont peut être facilité notre rencontre, en tout cas c’est toujours sympa d’échanger avec quelqu’un d’une GRANDE compétence et humain comme toi."

YD : "Concernant Alexis, j’ai la chance qu’il fasse ma taille quand je suis debout (attention il y a que moi qui peux faire cette vanne) ! On est bien d’accord :-) ! Plus sérieusement je n’aime pas comparer les handicaps. J’ai peut-être eu la chance d’être comme cela dès ma naissance. Alexis a vu sa vie basculer et apprend à vivre avec depuis quelques années. Sur plan humain il est sacrement costaud mentalement bien plus téméraire que moi. Quand je vois qu’il fait du ski et du vélo c’est très fort. Au niveau du football, il est compétent, c’est quelqu’un d’apprécié, d'écouté et qui inculque les bonnes valeurs à ses joueurs. Il n’est pas au niveau Ligue par hasard. C’est un véritable passionné." 

Propos recueillis par Yohan Dépalle @yohandepalle